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because the personal is cultural
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Nicolas Cantin crée des environnements chorégraphiques dans lesquels il sonde les multiples possibilités dramatiques du mouvement. Son univers penche entre intimité et sauvagerie. À ses débuts, il crée trois spectacles : Grand singe, Belle manière, et Mygale, qui forment une trilogie sous le titre Trois romances. Il bricole ensuite « deux pièces anglaises », CHEESE et Klumzy, qui traitent de la mémoire. Il flirte avec le cirque en cosignant pour les 7 doigts de la main la mise en scène de Patinoire, un solo pour Patrick Léonard, et se commet à intervalles réguliers dans différents projets collectifs qui ont tous en commun de naviguer aux frontières des genres.
Pourquoi bouges-tu? Je ne bouge pas à priori. Je suis assis sur une chaise dans un studio de répétition à regarder des personnes bouger à ma place. La question que tu devrais me poser est donc : pourquoi ne bouges-tu pas? La réponse que je peux te donner est qu’il est plus facile pour moi de regarder l’autre bouger. J’ai besoin de mettre mon corps à distance à travers le corps de l’autre pour pouvoir travailler. D’une certaine façon, je cherche ce qui caractérise ma relation à mon propre corps à travers le corps de l'autre. Mon travail est de regarder l’autre dans sa relation à ce qui le constitue intimement. Je travaille à creuser dans l’autre la question de l’intime pour toucher et questionner ma propre intimité. Cette relation qui agit comme un effet de balancier entre le bougeur et le spectateur est la pierre angulaire de mon travail. Quelle est ta plus grande source d’inspiration en période de création? Chaque projet est différent. Je cherche obstinément la grande inspiration, comme tout bon noyé. Je travaille à chercher l’endroit où ÇA veut respirer. Je me souviens d’une promenade au bord de l'océan avec ma mère il y a quelques années. Je la regardais marcher sur la plage et, l’espace d’un instant, je me suis demandé avec émotion qui était cette femme. Ce qui me fascine, c’est le mystère que nous sommes à nous-même et pour les autres. Ce sont les mots d’Antonioni : Nous savons que sous l’image révélée, il en existe une autre plus fidèle à la réalité et sous cette autre encore et ainsi de suite, jusqu’à l’image de la réalité absolue, mystérieuse que personne ne verra jamais. Qu’est-ce qui caractérise ton travail? Je ne sais pas. J’espère retrouver dans mon travail quelque chose de l’ordre de l’enfance qui a trait à mon obsession de l’intime. Il y a dans l’intime quelque chose qui me bouleverse, peut-être parce cela renvoie au début de la vie, à quelque chose d’insondable et mystérieux. Il y a une phrase magnifique que j’aime bien et qui dit tout : L’intimité est mondiale. Ce matin, justement, j’ai vu deux personnes faire l’amour dans une voiture. C’était beau comme une promesse faite à la vie, d’exister coûte que coûte. Des commentaires (bons ou mauvais) qu’on a faits sur ton travail, lequel t’a le plus marqué? Je me souviens d’un long et bel email d’une personne, après un spectacle qui avait été mal reçu. Cet email m’avait fait l'effet d’un chat qui s’installe sur ton thorax lorsque tu as le cœur ouvert en deux. De quoi es-tu le plus fier? Il y a pas de quoi être fier, comme dirait l’autre. Je fais ce que je peux. La plupart du temps, c’est la honte qui domine, parce qu’un spectacle, c’est comme un château de sable, ni plus ni moins. C’est rarement satisfaisant. Il n’y a pas de réelle fierté ou peut-être par moment la fierté, grâce à l’art, de sentir dans mon corps quelque chose de l’enfance retrouvée. La victoire de Samothrace au Louvre, par exemple, est une œuvre magnifique. Ce n’est plus du marbre, même si, oui, c’est du marbre. Ma fierté, peut-être, par instant, viens de là, de trouver une forme de complicité joyeuse (si ce n’est amoureuse) avec une statue qui date du début de la civilisation. Que serais-tu content de ne plus jamais voir dans un spectacle de danse? Ne jamais dire plus jamais. J’aimerais au contraire voir un spectacle de danse qui me ferait l’effet d’un camion renversé. Voir un spectacle devrait être ÇA, assister à un accident. Quelque chose au plus près de la vie renversée. De quoi la danse a-t-elle besoin aujourd’hui? On devrait, avec la plus grande douceur, tout brûler et tout recommencer. Nous vivons tous dans la peur. Nous devrions apprendre à avoir moins peur. Brûlons les théâtres et dansons dans leurs ruines. Quel est ton rapport à la critique? Je ne sais pas. Comme tout le monde j’imagine. Être dans le journal, la première fois, est un sentiment particulier. Tu lis l’article et le relis jusqu’à l’abstraction, jusqu’à ce que les mots ne veulent plus rien dire. C’est comme de lire une lettre d’amour ou de rupture : pur affect. La critique, c’est ÇA, en gros, une affaire d’affect et d’intellect. Avec quel artiste aimerais-tu collaborer? J’aimerais collaborer avec des amateurs, peut-être du côté de la chanson folk, de l'art visuel ou du cinéma. Des personnes qui fabriquent des choses dans leur garage, comme mon grand-père qui jouait de l’accordéon et composait en secret dans son grenier. Qu’est-ce qui te motive à continuer de faire de l’art? Ce qui me pousse à continuer à faire de l’art est simple, c’est la nature du dialogue qui me lie au travail. Avec le temps, ma relation au travail évolue. Récemment, je suis allé dans un musée et je me surprenais à être plus intéressé par les visiteurs que par les œuvres et c’était un sentiment merveilleux. La vie m’intéresse de plus en plus. Bien sûr, il n’y a pas d'opposition à faire entre l’art et la vie, mais peut-être qu’il y a quelques années j’avais une tendance à considérer l’art comme un abri atomique et la vie comme une menace nucléaire, ce qui n’est plus le cas aujourd'hui. CHEESE (Pluton) 16-18 septembre à 19h & 19 septembre à 15h Agora de la danse www.agoradanse.com / www.danse-cite.org 514.525.1500 / 514.844.2172 Billets : 28$ / Étudiants ou 30 ans et moins : 20$ À propos de la photographe : Meryem Yildiz est née à Montréal. En plus de prendre des photos, elle écrit et elle traduit. www.meryemyildiz.com 25-27 mars à 20h
Usine C www.usine-c.com 514.521.4493 Billets : 32$ / Étudiants ou 30 ans et moins : 24$ Prismes de Benoît Lachambre du 2 au 6 décembre (Danse Danse)
Avec l’aide de l’éclairagiste Lucie Bazzo, Lachambre explore à fond les jeux de lumières et de couleurs avec ce spectacle des plus stimulants visuellement. Dans sa tête & Six pieds sur terre de Maïgwenn Desbois du 20 au 21 décembre (Tangente) Avec ses pièces ludiques où elle gigue avec des interprètes ayant le syndrome de Williams et d’Asperger, Desbois nous reflète avec humour notre société capacitiste. Klumzy de Nicolas Cantin du 25 au 27 mars (Usine C) Cantin s’enfonce de plus en plus dans l’antithéâtre avec ce spectacle marquant, une suggestion de biographie de l’interprète Ashlea Watkins où la mise-en-scène de Cantin prend tout autant de place. CEUX DONT LA DERNIÈRE CRÉATION ME DONNENT RAISON D’ESPÉRER Bath House & Cherepaka d’Andréane Leclerc du 21 au 24 octobre (Tangente) Leclerc se sert du corps contorsionniste pour aborder des questions philosophiques et féministes dans des pièces sensorielles. Tête-à-tête de Stéphane Gladyszewski du 8 au 16 novembre (Agora de la danse) Gladyszewski utilise la technologie mieux que quiconque dans le monde de la danse. Pour Tête-à-tête, pièce pour un seul spectateur à la fois, ce dernier doit insérer son visage dans un masque pour voir la performance. Intrigant. Confession publique de Mélanie Demers du 8 au 11 avril (Usine C) Après avoir clos un cycle de pièces de groupe l’an dernier avec MAYDAY remix, Demers plonge dans le vide avec son nouveau spectacle, un solo. Peu de raisons de s’inquiéter; la chorégraphe, drôle et intelligente, ne rate jamais son atterrissage. Wolf songs for Lambs de Frédéric Tavernini du 14 au 18 avril (La Chapelle) Avec son installation chorégraphique Le Tératome, simple et efficace, Tavernini avait créé un univers cliniquement froid et fascinant. Il nous revient avec une autre installation, cette fois explorant l’imaginaire de l’enfance. http://www.dansedanse.ca/ http://tangente.qc.ca/ http://www.usine-c.com/ http://agoradanse.com/ http://lachapelle.org/ From March 25 to 27, dancer Anne Thériault will fill Ashlea Watkin’s shoes (and mask?) in Nicolas Cantin’s Klumzy. Here is what I had to say about the show when I saw it at Festival TransAmériques back in June. Spectacle. “Spectacle,” Ashlea Watkin repeats throughout Klumzy, as if to remind us that nothing should be taken at face value specifically because everything is face value. Or maybe it’s the opposite. Maybe it’s ironic since, as usual, show producer Nicolas Cantin does as little as he needs, giving us the opposite of the spectacle, antitheater. By saying the word, Watkin is transforming the context into content. The same could be said of Cantin’s presence onstage in this mostly-solo quasi-duo. It is as if he does not want us to forget that, while the show might be biographically about Watkin, it is his show and therefore is just as much about him. Maybe even more so. Watkin tells us that she used to be into Aerosmith, but that’s not the music Cantin plays on his laptop. When he plays punk rock, he’s the one dancing along to it, not her. By being onstage, Cantin is refusing the purity of biography. “It’s an image,” Watkin says. On a small square screen, a picture of her is projected. “It’s an image of me.” She might be talking about the picture, but she could also be talking about her live body, also mediated. “It’s me.” It is while wearing a mask of an old bald man that she is looking at her picture, creating a distance between the self and its representation at the same as she blurs the line between them. The recording of her voice has been manipulated, possibly speeded up, has a higher pitch certainly, has been chipmunked, rendered childlike. There is again a distance created between Watkin now and as a child – introducing the idea that maybe our memory should not be fully trusted – as well as a blurring between the two. That we dialogue with our selves only proves the inconsistency of said self; otherwise it would speak with a single voice. There is always something off in Cantin’s world, courtesy of aforementioned antitheater. Watkin speaks into a microphone, but she’s whispering. She’s doing so at the back of the stage, her back turned to the audience. Her microphone is on a stand, but she’s holding the stand sideways, so that it’s not resting on its legs. Wearing her mask – deceptively realistic, especially in soft light – she keeps opening her mouth slightly, as though chewing. The effect is unsettling. We know it’s a mask, and yet our mind constantly lapses into viewing it as a real face. To qualify as realistic, something has to be fake. At the end, Atkin pulls on a string to make the front legs of a chair hover slightly above the floor. This is as much magic as Cantin is willing to give us. March 25-27 at 8pm Usine C www.usine-c.com 514.521.4493 Tickets: 32$ / Students or 30 years old and under: 24$ SYLVAIN VERSTRICHT : Tes pièces Grand singe et Belle manière étaient des duos axés sur le couple hétérosexuel. Pour Mygale, tu avais deux fois plus d'interprètes et, même s'ils évoluaient surtout indépendamment, il y avait une certaine tension due à leur proximité. Comment as-tu approché créer un spectacle avec une seule interprète? NICOLAS CANTIN : Ce projet est une rencontre entre deux personnes : Michèle Febvre et moi. C'est pourquoi, depuis le départ, je ne vois pas CHEESE comme un solo, mais comme un dialogue qui se jouerait à plusieurs niveaux. La première chose que j'ai demandée à Michèle Febvre lorsque nous nous sommes retrouvés en studio a été : parle-moi de toi. Dès notre premier rdv, j'ai aimé écouter Michèle. Petit à petit, un travail sur la mémoire a pris forme et des questions ont commencé à surgir : Qu'est-ce qui fait notre passé? Qu'est-ce qui reste de ce que nous avons été? Comment garder une image complète des personnes que nous avons connues? Qu'avons-nous oublié de nous? etc. SYLVAIN : Es-tu parti de ce dialogue pour créer la performance physique du spectacle ou est-ce que celle-ci est venue d'autre part? NICOLAS : L'objet que nous présentons est très simple. Le dialogue amorcé au début de notre recherche est le spectacle lui-même. Le spectacle tient tout entier dans cette parole (autobiographique) et dans les silences qui l'accompagnent. Il n'y a pas de performance physique à proprement parler, même si j'ai l'impression que le corps joue un rôle fort dans ce projet. SYLVAIN : Comme le spectacle fait partie d’un projet de recherche intergénérationnel initié par Katya Montaignac, vois-tu CHEESE comme une continuation de ton œuvre ou une parenthèse dans celle-ci? Qu'est-ce qui en fait un spectacle de toi, Nicolas Cantin? Est-ce que tu crois que ça va affecter d’une façon ou d’une autre ta propre recherche artistique en tant que metteur en scène/chorégraphe? NICOLAS : Je vois les commandes comme des accidents. CHEESE est un accident heureux. Ce projet me tient particulièrement à cœur car il élargit le spectre de ma recherche. C'est clairement un spectacle de moi car j'étais au volant de la voiture quand l'accident a eu lieu. Je ne peux pas dire mieux. À vrai dire, je pense que CHEESE pousse à un autre niveau mes obsessions sur la notion d'intimité, avec peut-être davantage de tranquillité. Ce projet affecte déjà la suite des choses. J'ai l'impression qu'un nouveau chapitre s'ouvre. 27-30 novembre à 19h Usine C www.usine-c.com 514.521.4493 Billets : 25$ / Étudiants ou 30 ans et moins : 20$ Benoît Lachambre’s Snakeskins: because you can only accuse Lachambre of being so hit-or-miss due to his uncompromising commitment to his artistic pursuits… and he’s due for a hit. (October 10-12, Usine C) Nicolas Cantin’s Grand singe: because nobody else manages to pack as much punch by doing so little. (October 30-November 1, Usine C) Brian Brooks’s Big City & Motor: because Brooks explores concepts that only push his choreography further into the physical world, turning the human body into little more than a machine. (November 22-25, Tangente) Karine Denault’s PLEASURE DOME: because we haven’t seen her work since 2007, when she presented the intimate Not I & Others using only half of the small Tangente space, dancing with humility, as though the line between performer and spectator simply hinged on a matter of perspective. (February 6-9, Agora de la danse) Pieter Ampe & Guilherme Garrido’s Still Standing You: because Ampe & Garrido have created one of the most compelling shows of the past few years, a dense study of masculinity and friendship covered with a thick layer of Jackass trash. (February 12-16, La Chapelle) Sharon Eyal & Gai Bachar’s Corps de Walk: because it’s the first time we get to see a work by Eyal in six years, when she blew us away with a non-stop human parade that was decidedly contemporary in its transnationalism and use of everyday movements like talking on cell phones. (February 28-March 2, Danse Danse) Mélanie Demers’s Goodbye: because, much like David Lynch did with Inland Empire, Demers demonstrated that an artist doesn’t need to instill suspension of disbelief in its audience to work, that dance can be powerful as dance just as film can be powerful as film. (March 20-22, Usine C) Maïgwenn Desbois’s Six pieds sur terre: because Desbois demonstrated that one doesn’t need to sacrifice art in order to make integrated dance. (March 21-24, Tangente) Yaëlle & Noémie Azoulay’s Haute Tension: because Yaëlle Azoulay came up with the most exclamative piece ever presented at the Biennales de Gigue Contemporaine. (March 28-30, Tangente) Dorian Nuskind-Oder’s Pale Water: because with simple means Nuskind-Oder manages to create everyday magic. (May 10-12, Tangente) There’s a knife on my desk, next to my computer. When I’m done writing this review, I’ll take the knife and stab myself repeatedly. Don’t worry. It’s a retractable blade, a plastic knife.
Ashlea Watkin (sublime, as always) is quite poised when she walks onstage for Nicolas Cantin’s Belle manière. She is wearing a nice black dress. But something’s off. She steps into black shoes, men’s shoes, but doesn’t even bother putting them on correctly. She simply lets her heel come down on the back of the shoe. She picks up two plastic objects: little, round, white. She shakes her head from side to side, brings her hands to her face: squeak! It’s tragic, it’s comic, it’s a farce. She hugs the air, but having no one there to stop her arms, the embrace sends her stumbling across the floor. There is someone else there – Normand Marcy – but he simply stands there and looks on, comatose. Watkin attempts to make him sing, but to no avail. No sound out of him, ever. He refuses to play her games. So Watkin extends her fist in front of an audience member, asking them to sing instead. The awkwardness is transferred from the couple’s relationship onto the audience. Watkin’s upper body collapses, her head crashing down to her stomach. Marcy remains still. Once again, we find the same characters as in Cantin’s previous piece, Grand singe, even though they are played by different performers. The man is passive, the woman relatively more hysterical. A relationship looked at under unflattering neon lights. Cantin does introduce a new element into this work: a few magic tricks of which the performers barely attempt to mask the inner workings. They look cheap, a bit like how one sometimes feels when looking back at love. Why did it look so magical back then? Or like this red balloon tied to Marcy’s body that follows him along, trailing on the ground: whimsical at first, then fragile, and ultimately just ridiculous. These are sad clowns. Marcy might look like a victim, but he is only a willing one, more a victim of his own passivity than of Watkin. The egg, the cream pie, the shaken soda bottle, he sees it all coming, but he has no will of his own. We feel better about not being in such a relationship. We feel better that we’re not the only ones who’ve been in such a relationship. Cantin is still working out his issues with women, but he undeniably does it in a theatrically compelling way. No other artist manages to get so much out of so little. You’ll be just as shaken up as that soda bottle by the time you get out of there. And maybe love is like that soda bottle; you think you’re going to get something sweet, but it’s really just an explosion waiting to happen, leaving you with nothing but a sticky mess. Belle manière March 3-5 at 7:30pm, March 6 at 4pm Tangente www.tangente.qc.ca 514.525.1500 Tickets: 18$ / Students: 14$ |
Sylvain Verstricht
has an MA in Film Studies and works in contemporary dance. His fiction has appeared in Headlight Anthology, Cactus Heart, and Birkensnake. s.verstricht [at] gmail [dot] com Categories
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